Dans ces petits formats, la «piscine vide» est protagoniste. Construction humaine dont la froideur géométrique perd toute raison d'être sans la présence de l'eau. Cette absence transforme la piscine en un “non-lieu”, une sorte de pierre tombale, un terrain de jeu, une page blanche où l'on peut projeter nos fantômes et angoisses. Mais du vide des piscines naissent des éléments végétaux (toile de Jouy), la nature reprend le dessus. Un parallèle peut être observé dans mon travail: la toile (support ancestral âpreté pour recevoir la peinture) réclame le premier plan et le tissu écru, immaculé apparaît comme une tâche picturale avec des prétentions à la tridimensionnalité.

Filer tisser défiler, métisser, broder … des collage en profondeur. Broder c’est aller de la surface à l’intérieur. Le va-et-vient de l’aiguille reconstitue la trame et le tissu émerge de la peinture.

 

(…) la référence au légendaire constructeur du labyrinthe de Crète n’est pas anodine. Les tribulations du fil reflètent celles de l’homme en devenir, les conflits et les questionnements qui l’animent. Le vide des piscines, les fenêtres ouvertes sur un ailleurs indéfini, les mouvements suspendus des personnages… chaque éléments évoque, un fantasme inassouvi, une quête que le fil vient guider. Une évocation du mythique fil d’Ariane pourvoyeur de salut dans des situations en apparence désespérées.


Pauline Dantonel. Avril 2017

 

 

"C’est une peinture étrange, une peinture qui ouvre mille perspectives, que l’on peut visiter comme on visite sa mémoire, considérant ici et là des bribes de souvenirs, des tessons de passé. Sónia Aniceto vient poser sur la toile, à renfort de pigments et de fibres textiles, tressant ainsi une image composite, de rêve et de fantasmes, de visions d’enfance, de morceaux de vie qui nous plongent dans un univers mélancolique et mystérieux."


Ludovic Duhamel dans Miroir de l’art # 39

 

 

The spectator frequently encounters nearly photorealistic paintings of children's faces in small square picture formats, girls with long, fair hair, in playful moments. Their facial expression is introverted, almost sad… they do not seem to feel observed and still live in a clean-cut world, which gives us only an impression of care freeness. Threads play an important role in Sonia Aniceto's works, because they cut deep into neatly painted paintings. The artist uses her sewing machine and a vivid orange string with brute force to spontaneously cross over her compositions, bite into landscapes and do not even shy away from the children's bodies. She adorns them with 'sewn' clothes, races over their heads, the threads always intensify somewhere, change from rush to a bundle of fluff or a sheer muddle, impossible to unravel.

Silke Köhn (traduçao do alemão: Philipp Moritz Köhn).

Exhibition catalog extract “Textile contaminations” (kleppart). 2016

 

Touching by hand

Clenching by hand

One skillful brush stroke

One rumbling line of a sewing machine

Like a balancing act of encounter, the artist construes the threads like spider webs that seem to jump straight into the eye of the viewer. Her work creates a tactile illusion, wich causes the viewer to have a sensual experience of wanting to reach out and touch the works. Outside the painting, the threads continue to grow into objects, which pile up to establish completely independent lives, like little colorfull cakes nourishing the objects.

The yarn hangs from the canvas in a way that is tangled, knotted, interrupted, an loose.

The works are vivid. Fabric woven across the painting, as a trail in between the paintings, covers up the painting while also gradually adapting the works into the gallery.

Do the paintings have substance ?

The paintings carry the viewer away to the ground of the painting, which is hidden under panels of fabric that are overlapping, seam by seam, stitch by stitch, and brushstroke by brushstroke.

Fabric like skin, a dream, a dark night. It’s something to talk about.

The needle of the sewing machine is rumbling though the canvas into painted faces, bodies, sewing work, and artwork that is put on stroke by stroke, repainted, and sewn over but at the same time is thin as skin. This patchwork somehow becomes complete and the canvas depicts a story whith many layers and many faces.

Painting, fabric, sems, faces of children and women, a house-less and useless dwelling.

Stitch by stitch the artist them neon-red masks. The presence of a childhood spent in front of a TV as long as a long lost childwood, with all its fears, begin to show in this picture.

November 2012. Corlenia Regelsberger

 

 

Les paradis perdus

 

Trois petites filles sont mêlées les unes aux autres par les surpiqûres du fil. Elles se caressent et se soutiennent. Comme si l’ébriété d’un jeu tout juste terminé avait laissé entre elles le goût un peu amer des limites transgressées, cette nostalgie d’une innocence qu’elles devinent bientôt perdue…. Dans leurs gestes se dévoile un érotisme langoureux, parfois violent, parfois léger ; l’intimité des corps d’enfants qui ont banni de leurs jeux le regard des adultes. Des jeux qui imitent ce qu’elles n’auraient pas dû surprendre, des jeux qui invoquent un regard qui n’était par pour elles. Trois petites filles nous font face et ne semblent pas voir, à côté d’elles, cette pièce à peine entrouverte. Là, sur un fauteuil abandonné, une autre petite marionnette cousue de fils se contorsionne sur des talons. Elle offre son corps dénudé à la fois ludique et martyrisé à un regard qui semble attendu. Un spectateur désiré.

 

Au cœur de ses toiles, en superposant formes peintes et formes cousues, Sonia Aniceto ouvre la peinture aux temps de la mémoire, du souvenir et du fantasme. Elle compose des espaces où les matières jouent les unes avec les autres, se disputent et se mêlent pour mieux ouvrir le tableau à d’autres dimensions. Quand les formes sont presque figuratives, un rien de peinture coulée les dilue dans la vapeur des souvenirs. Quand il est cousu sur la peinture, le fil noue et déchire la toile. Les lignes à la fois nettes et transparentes courent comme des dédoublements. Les personnages filés se baladent ou flottent sur des images qu’ils creusent de leurs présences évanescentes. Et l’image, alors, semble n’être rien d’autre que l’émanation de ce qui hante ces petits êtres fantomatiques, une valse mélancolique, un langoureux vertige.

 

Extrait du texte de Anne Feuillère, 2007.